Les mots justes pour éviter les faux contacts
Qu’observons-nous, au quotidien, dans nos relations, nos contacts avec les autres ? On fait trop souvent preuve de négligence, et de paresse. On attache peu d’importance au choix des mots. Étrange car nous passons la majorité de nos journées en relation. Quand on négocie, manage, vend, on recherche des résultats… pas seulement à faire du bruit avec nos bouches !
Comment aimez-vous que l’on vous parle ?
Mes collègues et moi-même avons posé la question des milliers de fois, dans une dizaine de langues. La réponse est universelle. En synthèse : « J’ai envie que l’on me parle de façon directe, simple, sans détour mais aussi avec respect et courtoisie ». Certains rajoutent l’envie d’une pointe d’humour. Nous pouvons donc faire l’hypothèse que tous nos interlocuteurs attendent que nous leur parlions comme cela.
On constate pourtant que trop d’échanges, privés ou professionnels, sont caractérisés par le non-dit, le sous-entendu, la suggestion ou la manipulation.
« Comment ça va ? » ne veut pas dire « comment ça va ? » puisqu’on n’attend pas la réponse. « Ne croyez-vous pas que… » veut dire que soi-même « on est convaincu que… » et que l’on a envie de le faire dire à l’autre ! « Est-ce que je vous dérange ? » veut souvent dire « j’ai besoin (ou envie) de vous parler ». « As-tu reçu mon mail ? » veut dire « j’attends une réponse à mon dernier mail ». Ce constat est aussi universel que le constat des attentes. Quand un Français dit « c’est un con » et un Anglais « they are an interesting person to work with », les deux pensent « je n’aime pas travailler avec cette personne ». C’est donc ce qu’ils devraient dire dans leurs langues respectives.
Réapprendre la simplicité
Pourquoi ce décalage entre nos attentes partagées et nos pratiques ? Il y a de multiples raisons. Les couches d’éducation que nous avons tous eues (parents, école, entreprises…) sont la première cause, puisqu’elles nous apprennent, souvent, la soumission, la méfiance, le rapport de force, la ruse. C’est aussi le résultat, souvent involontaire, des difficultés rencontrées à réconcilier les notions de « droit au but » et de « respectueux ». À être direct sans être brutal.
Ensuite, nous manquons souvent d’audace. A force d’avoir peur de déplaire, on en oublie d’essayer de plaire. À force d’avoir peur d’échouer, on en oublie de mettre en place les conditions du succès. On se trouve donc des excuses : « Je ne peux pas dire cela à mon client, mon chef… que va-t-il penser ? »
Il existe une autre raison au décalage : le manque de clarté dans nos objectifs. Einstein a eu un joli mot : « Notre époque se caractérise par la profusion des moyens et la confusion des intentions ».
Oui, nous disposons de beaucoup de mots, mais ils ne sont que trop rarement au service d’une intention clairement exprimée.
Combien de commerciaux sont là « pour faire connaissance ». Mensonge. Ils sont là pour savoir comment faire pour travailler avec ce client ! Combien de managers ayant à traiter le retard d’un collaborateur, se croient obligés de passer par le reproche du retard, au lieu de lui demander d’être ponctuel.
Clair parlant et clair entendant
Être clair et simple, c’est le début du respect puisque les autres attendent de nous que l’on s’adresse à eux de cette façon. Ce n’est que le début. Nous aimons tellement argumenter, nous avons appris à le faire, à être structuré, parfois même brillant. On est rassuré aussi « d’avoir réponse à tout ». Mais quel effet cela produit-il chez nos interlocuteurs ? Seul lui le sait parfaitement. Autant lui demander !
Le respect, c’est donc aussi l’écoute. L’écoute de l’autre. De ses mots. Les vrais, tels qu’il les emploie, pas tels que nous voulons ou croyons les entendre. L’écoute de soi aussi. Une fois que l’on a entendu ce que nous dit l’autre, encore faut-il se demander ce que cela produit chez nous. Pourquoi nous a-t-on appris à congeler nos pensées et nos émotions, ne pas les écouter et encore moins les dire ? Erreur grave. Quelqu’un qui affirme par exemple, « ce que vous me dites là me blesse » va non seulement montrer son attention, il va aussi libérer son émotion, se réaffirmer dans la relation, et se donner plus de chance que son interlocuteur ne revienne pas sur le même registre.
La relation part d’abord de soi
Il faut donc moins de mots, mais des bons mots. Ceux qui correspondent à notre intention profonde et réelle. Il faut se méfier de l’implicite et tout faire pour être explicite. Les non-dits sont un poison, lent et violent, de nos vies professionnelles et personnelles.
Les mots ne sont qu’une part de la relation, des contacts. Mais une part trop négligée. Comme dans l’apprentissage de beaucoup de sports ou de la danse, il faut de la discipline. Rigueur et liberté vont de pair. Réapprendre la simplicité et le chemin vers le respect et l’efficacité à la fois. C’est aussi une façon de se sentir mieux en réduisant l’écart entre nos intentions, nos émotions et notre expression. Le paradoxe est qu’on se forme à beaucoup de choses, mais très peu à la compétence relationnelle. La bonne nouvelle, c’est que c’est possible.
#Ecoute #SousEntendus #Respect #EgalAEgal
Article écrit par Rémy Ossard et Clément Toulemonde