La négociation

La négociation… elle est au coeur de notre quotidien, notamment dans l’univers professionnel. Peut-être vous sentez-vous naturellement plutôt doué pour négocier ? Ou peut-être vous a-t-on appris des techniques de négociation ? Ou les étapes clés d’une négociation commerciale réussie ? Mettons cela de côté, car réussir une négociation commence avant tout par clarifier le but de la démarche. En veillant à définir la frontière entre contrainte et consentementStéphane Picard nous partage sa réflexion sur les buts, les moyens, les outils et la conclusion d’une négociation réussie. 

La négociation : définition

Négocier, c’est selon le dictionnaire de l’Académie Française, commercer, faire du négoce, traiter une affaire, discuter les termes d’une convention, d’un accord, voire transférer la propriété d’une chose ou d’une valeur.
En fait, il ne s’agit pas d’une définition, mais davantage d’une liste non exhaustive de cas dans lesquels peut s’employer le mot négociation.

Curieusement, et après avoir cherché dans plusieurs dictionnaires, je n’ai pas trouvé de définition qui soit autre chose qu’une liste d’exemples dans lesquels on négocie. Mais rien qui porte sur le sens même du mot, si ce n’est son étymologie (nego-otium – ne pas rester sans rien faire, pris dans une acception autre qu’agricole ou artisanale) qui se trouve tellement éloignée du sens moderne qu’il n’apparait plus pertinent de s’y référer.

Cependant, si l’on veut trouver un point commun à toutes ces situations, on en vient naturellement à imaginer que négocier consiste à rapprocher des points de vue pour parvenir à un but communPour autant, cette définition n’est pas non plus satisfaisante en ce qu’elle définit mieux le rôle de l’arbitre, du conciliateur que celui de l’acteur de la négociation, le négociateur.
Ce dernier ne cherche pas à rapprocher des points de vue entre eux, il cherche à rapprocher des points de vue du sien. Et c’est tout à fait différent. Si le conciliateur harmonise, équilibre, arrondi et arbitre les débats, le négociateur cherche à influencer les autres pour les amener à lui.

La démarche n’est plus du tout la même, car l’implication personnelle du négociateur le conduit le plus souvent à utiliser des moyens de négociation plus appuyés, et c’est parfois un euphémisme, que ceux utilisés par un négociateur-conciliateur.
C’est à ce négociateur partie prenante de la négociation, au négociateur-acteur que nous nous intéressons ici. C’est la question de la négociation commerciale ou négociation d’influence et de pouvoir qui sera l’objet de mon propos et non la négociation-arbitrage ou de bons offices.

Négocier quoi ? La distinction des buts et des moyens

La question posée en définitive est celle des moyens dont on peut ou on doit faire usage pour exercer une influence. Il s’agit d’une véritable question d’éthique dont tout l’enjeu est de définir la frontière entre influence et violence, entre contrainte et consentement. On commence à avancer sur cette problématique lorsque l’on observe que la violence des moyens utilisés ou arguments échangés est plus intense si les buts de chacun sont plus éloignés ou les objectifs mal partagés.

On le voit, la discussion peut dépasser de loin le cadre purement professionnel, et ce sujet est le cœur de nombreux débats sociétaux que j’écarterai de mon propos sans pour autant qu’ils y soient totalement étrangers.

Si l’on reprend la définition supra – discuter les termes d’un accord ou d’une convention – on s’aperçoit très vite qu’il existe dans le cœur de cette définition une ambigüité à laquelle nul ne s’intéresse jamais, c’est de distinguer ce qui relève des buts poursuivis et ce qui relève des moyens pour y parvenir.

La perversion de cette imprécision est que la plupart du temps, on échange des moyens, des arguments, pour définir les termes d’un accord sans pour autant qu’ait été bien définie la chose sur laquelle on désire s’accorder.

On place la charrue avant les bœufs et on pousse fort en espérant laisser un sillon. On discute de la dote et du trousseau, de la réservation du curé et du traiteur avant même de s’être mis d’accord sur le principe du mariage. Bref, on définit des moyens et on regarde ce qu’ils peuvent produire plutôt que de définir un objectif et après, et seulement après, collecter et mettre en œuvre les moyens pour y parvenir.

En termes d’économie d’effort, la différence est de taille. En procédant dans le bon ordre, on ne commence à travailler qu’à partir du moment ou un accord a été trouvé sur les buts à atteindre. C’est à partir de cet instant que seront inventoriés les besoins, les nécessités et les envies de chacun pour y parvenir. C’est à compter de ce moment que l’on pourra avancer ses arguments pour traiter les réserves de l’un ou calmer les enthousiasmes de l’autre. Cette discussion sur les moyens n’aura même pas à être abordée si l’on n’a pas préalablement trouvé un accord de principe sur les buts poursuivis par l’ensemble des parties à la négociation.

En termes de confort, il n’y a pas de comparaison possible. Définir des moyens lorsque l’on s’est mis d’accord sur les objectifs à atteindre revient à participer à un jeu de construction dont l’autre joueur partage le même enthousiasme même si parfois les moyens s’avèrent insuffisants pour atteindre le but.

En termes de relation, la différence est également considérable. Si désaccord il doit y avoir, il se manifestera immédiatement par la prise de position assumée de l’un ou de l’autre sans que nul n’ait à subir la violence des arguments ou des jugements de l’autre. Point n’est besoin de discuter des difficultés de l’itinéraire quand on n’est pas d’accord sur la destination.

La possibilité pour chacun de dire non est la plus grande manifestation de sa liberté, et l’acceptation de ce non est la plus grande marque de respect qui peut lui être donné. Les moyens offerts, les arguments proposés, n’existent que pour donner corps à un consentement qui a déjà été donné dans son principe, et en aucun cas pour le faire naitre.

Ainsi toute discussion porte en elle deux négociations :

  • la première sur les objectifs à atteindre,
  • la seconde sur les moyens pour y parvenir.

Pour ces deux négociations, les outils du négociateur sont toujours les mêmes.

Les outils de la négociation

La préparation – préparer quoi ?

Négocier, c’est donc d’abord connaître le but que l’on poursuit. Pas celui que l’on veut atteindre demain ou dans un avenir proche ou lointain, celui que l’on veut atteindre avec la personne que l’on a en face de soi au terme du temps durant lequel on l’aura en face de soi. Ce que l’on attend de lui, ce que l’on a à lui demander, la raison pour laquelle on souhaite le rencontrer, lui parler.

Cela demande de voir clair dans nos propres intentions, dans le contexte, être lucide. Savoir ce qui peut être :

  • suffisamment concret pour faire l’objet d’une discussion précise,
  • suffisamment réalisable pour avoir de raisonnables chances de succès,
  • et suffisamment négociable pour ne pas se mettre en position d’imposer ou de se voir opposer un refus immédiat et catégorique, ce qui rendrait la rencontre parfaitement inutile.

C’est la quadrature du cercle, choisir ce que je vais demander à l’autre qu’il pense, dise ou fasse à la conclusion de l’entretien, sachant que cet entretien peut lui-même s’inscrire dans le cadre d’une négociation plus large dont le but reste encore hors d’atteinte.

Cela demande de connaître sans failles l’ensemble des éléments techniques, rationnels, émotionnels et personnels de son dossier. Connaissance qui permettra également, en cas d’accord total ou partiel sur la demande, d’engager la discussion sur les raisons et les moyens. Partant de là, la mécanique est simple et toujours la même à partir des mêmes outils.

La demande

Toute négociation a un but. Ce but est la raison pour laquelle on se rencontre, c’est l’attente que l’on fonde sur l’autre, et non sur le sujet de la négociation.

D’une demande, nous attendons tous qu’elle soit claire, directe, précise et concise. Nous attendons tous qu’elle soit formulée dans des conditions de politesse et de respect acceptables.

Alors autant être le plus direct possible en restant poli et annoncer à l’autre ce qu’on veut ou on attend de lui. Cela évite de tourner autour du pot de façon embarrassée, de donner l’impression de finasser, de louvoyer. Il n’y a plus qu’à écouter la réponse.

L’écoute de la réponse

C’est l’écoute de la réponse et non de l’idée que l’on se fait de la réponse. La différence est celle qui existe entre le sens des mots entendus et l’analyse inconsciente qui est faite des mots entendus.

C’est sur les mots de l’autre, qui ont été choisis par lui et qui ont pour lui du sens qu’un accord pourra être trouvé, pas sur l’émotion qu’ils ont produite chez son interlocuteur.

C’est à partir de ses mots que l’on peut se faire préciser, obtenir des informations complémentaires, rechercher de la cohérence ou encore faire valoir ses propres attentes. C’est encore à partir de ses mots que se trouveront les points d’échange.

La prise de position

C’est la réponse à ce que l’on entend. Je dis ce que je pense de ce que j’entends, je prends position sur ce que j’entends et je dis ce que j’en attends.

  • J’écoute la réponse,
  • Je prends position sur la réponse,
  • J’écoute.

Conclure la négociation

C’est n’est qu’au terme de cette mécanique d’écoute et de prise de position que peut se trouver l’accord.

La conclusion, c’est la matérialisation de cet accord par les intervenants et tout d’abord verbalement. L’important est de laisser l’autre définir et verbaliser son propre engagement plutôt que de le faire pour lui.

La conclusion, c’est connaitre l’idée que l’autre s’est faite de vous et de votre façon de faire. C’est le passeport pour de prochaines discussions avec le même.

La conclusion, c’est définir l’étape suivante, c’est préparer l’avenir.

Les arguments et les moyens comptent peu pour trouver un accord, seules comptent les envies, les ambitions et les volontés. Les arguments et les moyens sont les outils pour les accorder.

Négocier, c’est rapprocher des points de vue avant d’échanger des moyens.

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